Dans une ville de Houston où il fait bon d’entendre les meilleurs experts mondiaux dérouler les normes incontournables pour qui veut bien gérer ses hydrocarbures, au milieu des buildings qui sont l’expression de la bénédiction qu’ils ont produit ici, je ne peux cependant m’empêcher de penser à la grave crise de crédibilité étouffant notre pays.
On fait semblant d’oublier les primes de signatures empochées par milliards par les caïds du régime qui le mal-gouverne; on dit finie la grave polémique, non-vidée, de l’attribution frauduleuse à Timis, Aliou, et parrains, des blocs pétroliers, des conditions criminelles des prises de participation (farm-in, farm-out) de majors (BP) ou indépendantes (Kosmos et co); et on ferme les yeux pour ne pas voir les irresponsables, incapables, les plus fous, les nuls qui rêvent, osent. Ils dirigent même.
Plus grave est cette presse vénale et complice qui laisse dérouler les théories les plus folles et les rumeurs fausses rien que pour détruire les vraies élites nationales.
Qui n’en est potentiellement victime lève la main?
Même dans les affaires de famille réglées par un arbitrage divin, certains, bavards et nafekhs, se prononcent sans savoir de quoi ils parlent…Jusqu’à la gestion des morts. À les suivre, il faut briser les prescriptions divines pour satisfaire leur cupidité terrestre!
Wakh rekk dans ce pays sans savoir ou pire sans vouloir savoir la vraie vérité!
Quel pays! On peut y prendre sa plume et traiter quelqu’un de membre de Daesch, d’ivrogne, de frimeur, de n’importe quoi.
Et, hélas, complaisante, voyeuriste, parfois portée vers le goût de voir l’autre être livré aux chiens, comme dirait Mitterand, la foule refuse de prendre du recul: elle applaudit niaisement, méchamment.
Voila, tel qu’il m’apparaît, le Sénégal des alternances ratées, terre des imposteurs, voleurs: baigné par la pauvreté matérielle et, surtout, morale.
C’est le pays où Eudoxie et le reukeunte, les duels de coqs, sont célébrés.
What went wrong? Est-ce tard, définitif, pour rattraper?
Clairement, en matière de gestion de nos hydrocarbures et de notre démocratie, de notre pays, c’est un devoir Collectif dont le “temps du moment”, selon la formule d’un philosophe Allemand est à l’angle, en février.
Nous ne rattraperons pas sans remettre au Centre une vraie presse. D’où mon plaisir à donner en exemple le si respecté New York Times. Son leitmotiv: Publier ce qui est décent, devrait inspirer non seulement les journalistes mais tous ceux qui participent au débat public.
Dire le décent, envisager l’intérêt collectif, exiger l’intérêt national.
En quittant New York pour Houston, je ne pouvais donc ne pas faire un pèlerinage au siège imposant du NYT. Non loin de la 42eme Rue, là où naguère nous fîmes, en tant qu’étudiants, il y a bientôt 40 ans, nos courses pour acheter les chaînes de musique et disques qui faisaient fureur alors, c’est ici que, résistant à la globosphere, et accompagnant, en les intégrant, les nouveaux moyens de diffusion virtuelle de l’information, s’élève cette tour de l’emblématique organe de presse.
Chanceux américains qui disposent de telles institutions capables de contenir les dérives societales ou des pouvoirs politiques.
Chez nous, aucune digue, face à la crise de crédibilité qui enfume l’intelligence des nôtres: aucune lumière médiatique ne vient illuminer la route.
Que des cancans, du blablas, du kassaw-kassaw.
Le Sénégal avance alors à l’aveuglette, pour ne pas dire à la sauvette, vers un futur flou, voire dangereux, déjà prédit par ce présent intenable causé par les salauds, pingouins courteauds méprisables, qui hélas en tiennent les rênes.
J’ai mal à mon pays.
Il nous faut un New York Times.
Et un Financial Times.
Je suis en route vers Londres au Sommet sur l’Afrique que le grand groupe de presse au cœur de la City, le milieu des affaires, y tient. Sans le Sénégal, naturellement..
