PORTRAIT- Maïmouna Ndoye SECK première femme polytechnicienne du Sénégal

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Dans un portait craché, la Meilleure Ecole du Sénégal (MES) retrace l’immense parcours de Maïmouna Ndoye SECK  ingénieur spécialisée en génie mécanique, titulaire d’un master en gestion et économie de l’énergie à la Banque Africaine de Développement, ancienne ministre du tourisme et des transports aériennes.

Le mois de juillet 1987 a été marqué par la cérémonie de remise de diplômes à trente polytechniciens, présidée par le chef de l’Etat Abdou Diouf. une manifestation marquée par la consécration de Maïmouna Ndoye Seck première sénégalaise polytechnicienne. L’ancienne ministre du Tourisme et des Transports aériens est sortie major de cette 10e promotion de polytechniciens portant le nom de feu Alioune Diop, ancien ingénieur à l’usine Icotaf, issu de la 8e promotion. Maïmouna Ndoye Seck, à l’époque, âgée de 25 ans considère son succès universitaire comme un défi relevé pour la femme sénégalaise. « J’ai fait le concours de l’Ecole Polytechnique de Thiès, car je trouvais anormal que les Sénégalaises ne puissent pas devenir des ingénieurs de conception » a-t-elle affirmé.

D’ailleurs, cette dame ingénieur spécialisée en génie mécanique est heureuse d’ouvrir la voie à ses soeurs. Six (6 autres) femmes ont suivi ses traces à l’Ept de Thiès pour en sortir en 1988. Cette 10ième promotion comptait 30 polytechniciens parmi lesquels 12 ingénieurs de Génie civil tous sénégalais et dix-huit ingénieurs mécaniques dont trois Zaïrois et un Burkinabé.

??QUI EST MAIMOUNA NDOYE SECK?
Ingénieure de conception en génie mécanique et major de sa promotion, l’actuelle présidente de la Commission de régulation du secteur de l’électricité (Crse) est également titulaire d’un master en gestion et économie de l’énergie. Maïmouna Ndoye Seck peut bien être citée en exemple, pour susciter l’engouement des filles pour l’enseignement des sciences.

Elle fait partie de la race des surdouées dont les noms sont inscrits au Panthéon du savoir sénégalais. Première fille à être admise à l’Ecole polytechnique de Thiès, Maïmouna Ndoye Seck n’en est pas moins une épouse modèle, une maman poule. Déjà, entrer à Polytechnique était un défi et pour une femme, c’était presque un vœu pieux. D’autres auraient bombé le torse, mais celle qu’on a fini de rebaptiser «Madame rigueur» préfère se la jouer modeste. Issue d’une famille léboue traditionnaliste et très portée sur les valeurs ancestrales, elle alliera études et travaux ménagers. «Je n’ai jamais été assimilée. En tant que femme lébou, on travaillait beaucoup. On nous apprend comment tenir une maison. Pendant les vacances, c’est nous qui faisions les travaux ménagers», confie-t-elle.

Contrairement à «Maïmouna», le personnage central du chef-d’œuvre d’Abdoulaye Sadji, qui a été sublimée par la capitale, Maïmouna Ndoye est une vraie dakaroise, une «town girl» puisqu’elle est née en 1962 au Plateau (Crédit foncier) et n’y est sortie que 20 ans après, pour poursuivre ses études à l’Ecole Polytechnique de Thiès.

De l’école Colobane 1 à Delafosse, le parcours du génie

Entre 1969 et 1975, la petite Maïmouna à la noirceur d’ébène fera un cursus normal à l’école Colobane 1, actuelle école Ibrahima Bèye. «Je ne suis pas issue d’une famille bourgeoise. J’ai donc fréquenté l’école publique. J’étais une élève normale, pas turbulente, calme et réservée», se souvient-elle. Puis, la longiligne demoiselle fait cap sur le collège CMT, devenu Martin Luther King, pour poursuivre ses études moyennes. C’est là véritablement que le génie va se réveiller en elle. Malgré son amour pour les lettres, son penchant pour les sciences se précise. C’est en classe de 4ème qu’elle prendra le large et se distinguera comme une grande matheuse. «Je ne suis pas d’accord quand on dit que les maths ne sont pas faites pour les femmes. Nous faisons des maths tous les jours, sans peut-être le savoir. Quand on cuisine pour 6 personnes, on vous dit que 5 autres viendront déjeuner, vous faites des maths pour mesurer. En portant un calebasse d’eau, vous faites des maths en posant le centre de gravité sur la tête», dit-elle. C’est que pour cette fille d’un fonctionnaire et d’une ménagère, la gent féminine a des dispositions naturelles pour briller dans les matières scientifiques. «Après le Cmt, on est destiné à faire la série G 2 au lycée Maurice Delafosse où les plus brillants devenaient comptables et les autres des secrétaires», renseigne celle qui rêvait de devenir architecte. Le choix était tout fait, mais il faut compter avec Lamine Bâ, son professeur de Maths et de Sciences de la 6ème à la 3ème, qui la surveillait comme du lait sur le feu : «Nous avions déjà fait nos choix. Il est venu déchirer les fiches devant nous et nous demander d’opter pour la série E (sciences et techniques). Monsieur Lamine Bâ a joué un rôle fondamental dans ma carrière, car c’est lui qui a fait le choix pour moi». Première de sa classe, elle obtient la mention Assez bien au baccalauréat et réussit au concours d’entrée à l’Ecole Polytechnique en 1982.

Première femme incorporée dans l’armée

Terminées les matinées bien arrosées entre camarades, les soirées dansantes où elle faisait montre d’un talent de danseuse invétérée. Voilà Maïmouna Ndoye sur le chemin de Thiès pour 5 ans d’études, dans un environnement mâle où elle est la seule à défendre son genre. «L’école était militaire, mais elle n’était pas prête à recevoir des filles. On a eu du mal à me trouver une chambre, parce que les chambres étaient mixtes», se souvient-elle. Là, elle connaîtra la vie de caserne et se liera d’amitié avec des garçons, devenus «plus que des frères», sous le regard vigilant du colonel Sidibouya Ndiaye, alors directeur de l’école.

Ancienne directrice de cabinet du ministre de l’Energie, ancienne conseillère à la Primature, elle a eu plusieurs cordes à son arc. Qu’à cela ne tienne, elle prend très au sérieux son statut d’épouse très ancrée dans les valeurs africaines. En atteste son accoutrement : Pagne bien noué dans une tenue africaine de couleur blanche, elle garde toute sa splendeur et toute sa classe dans sa démarche digne d’une basketteuse. Sport qu’elle ne pratique pas malgré sa grande taille, mais qu’elle aime comme du reste elle adore le football. Certains de ses condisciples se souviennent de la jeune demoiselle studieuse: «Maïmouna Ndoye était très brillante, calme et travailleuse. C’est une dame extraordinaire. Elle a été major de notre promotion», témoigne Barham Thiongane, son camarade de promotion à l’Ept.

Humilité en bandoulière, elle se veut circonspecte sur son titre de major, même si le directeur de l’école l’a dit devant le Président Abdou Diouf. «Je ne crois pas avoir été major devant Demba Sow. Il était jeune, mais tellement brillant. Il est le fils de Aliou Sow de Cse», dit-elle avec humilité. Parmi ses condisciples qui l’ont marquée, Maïmouna Ndoye aime citer Aliou Mara, directeur général de l’Agence du patrimoine bâti de l’Etat, Mamadou Ngom (Jean Lefebrve Sénégal), feu Mama Amar, Issa Ndiaye entre autres. Avec ceux-là, celle qui deviendra Mme Seck en cours de formation avait fondé une véritable famille, fruit de 5 ans de compagnonnage.

Maïmouna Ndoye Seck et ses maîtres

Entre elle et ses maîtres, c’est une histoire d’estime réciproque, cet amour indéfectible qui lie toujours les brillants élèves à leurs enseignants. Si Lamine Bâ, son professeur au Cmt, a été l’élément déterminant dans son choix et dans sa carrière, elle s’est bien abreuvée à la source de Mary Teuw Niane (Maths), Christian Sina Diatta (sciences physiques) et Sakhir Thiam qui offraient leurs services à l’Ecole polytechnique, une inspiration du système nord américain, qui forme les hauts cadres pluridisciplinaires du Sénégal. L’école polytechnique offrait, en plus de la formation militaire obligatoire, un enseignement théorique au cours des deux premières années où le redoublement est interdit.
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