Monsieur Le Président,
Au nom de tous les martyrs qui ont perdu la vie pour la naissance d’une démocratie au Sénégal,
Au nom de leurs parents dont ils étaient peut être l’unique soutien,
Au nom de leurs enfants qui, plus jamais ne verront le retour de leur père, certains à la merci des aléas de la vie, de la désolation et du besoin,
Au nom du peuple sénégalais d’ici et d’ailleurs
,
Permettez moi d’exposer ici les craintes qui m’habitent et qui, malgré tout, ne sauraient obscurcir cette lueur, bien que mince, d’espoir restée tenace devant ce spectacle d’impasse et de dégradation que traverse la santé de mon pays.
Certes, nous avions eu à connaître une première vraie alternance en 2000 projetant le Sénégal sur la voie d’une démocratie qui devait se consolider avec et par le respect de ses exigences mais malheureusement avortée avant d’être fertile par l’euphorie des grandes réalisations qui ont invité chez nos dirigeants un sentiment de mérite, de victoire prématurée et pire, une certaine tendance à la facilité mettant le pays dans un climat de révolte, de contestations chez les un et une quête infernale de prestige chez les autres.
Vous savez mieux que moi qu’est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est à dire traversée par des contradictions d’intérêts, et qui se fixe comme modalité d’associer à parts égales chaque citoyen dans l’expression, l’analyse, la délibération et l’arbitrage de ces contradictions. »
Vous savez autant que moi que « le contact humain est le véhicule essentiel de la démocratie »
Encore mieux, que la démocratie » donne le droit de vote et le droit de vote celui de subir les inégalités »
Qu’une » presse libre et gratuite est le système immunitaire de la démocratie représentative »
Aussi, le savez vous certainement, les difficultés et dangers inhérents à la démocratie sont bien réels mais malgré cela, il ne demeure pas moins évident qu’elle reste notre seul espoir.
CAMUS avait raison de dire que » la démocratie n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité »
Aujourd’hui, que chaque individu se sente coupable pour sauver et consolider ce qui reste de notre démocratie qui n’était sensée souffrir d’aucune considération ethnique, raciale encore moins d’amitié et de fraternité complaisantes mais seulement une démocratie qui situe l’homme dans sa dimension universelle comme citoyen à qui vous devez rendre sa noblesse.
Monsieur Le Président, le peuple sénégalais se démarque visiblement, dans sa majorité de la rhétorique classique essentiellement fondée sur une emphase dégradante et archaïsante, sur un simple classement de figures et s’attend désormais, dans vos discours, à une argumentation solide, véritable outil d’analyse du raisonnement persuasif. Ce même peuple vient de signer son divorce d’avec les anciennes méthodes politiciennes destinées à accroître son adhésion aux thèses truffées de promesses sans aucune démarche rationnelle et consciente, qui n’opère avec aucun matériau spéculatifs, n’impliquant jamais un interlocuteur plus ou moins explicite et n’ayant tristement comme dessein que la convoitise du sommet quels que soient les moyens au mépris de toutes les règles d’éthique. Oui! Nous avons rompu avec les attentes désespérées et avons mis fin à cet esprit naïvement encré de laisser pour nous penser les autres. Par conséquent, nous nous sommes engagés comme vous à aussi servir la nation et à défendre ses intérêts mais, et surtout à faire respecter par tous y compris votre personne l’institution que vous représentez dont dépend la bonne gouvernance tant souhaitée, tant attendue mais hélas jamais incarnée. Votre peuple exigera des comptes soyez en certains, alors, adoptez la conduite la plus médiane dans la vérité et agissez en toute humilité. Il n’est pas encore tard de corriger les erreurs du passé qui ont sérieusement impacté les conditions socio-économiques- que vous en soyez responsables ou pas- en vous inspirant du sort inévitable naturellement réservé aux dirigeants qui avaient emprunté la mauvaise direction, guidés par l’orgueil, ceux là que le pouvoir a rendu allergiques à toute critique et qui ont répondu aux sollicitations de leurs caprices.
Monsieur Le Président, il vous est aujourd’hui confié le destin de toute une nation et votre nom figurera sur les annales de l’histoire, alors faites en sorte d’y laisser des empreintes d’honneur, pour la postérité, une lecture encourageante d’un modèle accompli d’équité et de courage face aux tentations et à la vanité intrinsèquement liées au pouvoir. Faites en sorte que les générations futures et présentes se souviennent de vous comme le porte – étendard de la vérité dans l’action, de la loyauté dans vos engagements et de la fidélité à la Patrie.
Que votre conduite dans la certitude ne se laisse point distraire par la direction des opportunistes et des marchands de gloire, esclaves de leur propre survie et otages des séductions de ce monde éphémère.
Soyez modestes et humains envers le peuple et traitez le avec bonté ; regardez les hommes, tous, pareillement afin que les grands ne puissent agir impunément et que les faibles ne désespèrent pas de votre justice à leur égard. La vertu, telle que enseignée, ne saurait être le lot du peuple que si elle est celui du dirigeant.
Sachez que si le droit est bafoué, la dissension s’installe, ouvre la voie à la tyrannie et fait inévitablement prospérer l’hérésie. La conséquence immédiate se voit dans la paralysie de la justice; les honnêtes gens seront avilis et les malhonnêtes adulés, cependant une concertation franche, loyale et désintéressée est seule en mesure d’éviter une pareille situation. Même si vous avez un haut degré d’intransigeance dans l’instauration de la justice, vous ne pourriez être épargnés par le besoin d’assistance et de conseils dans la charge qui vous incombe, soyez alors ouverts au dialogue et flexibles aux critiques constructives.
Renforcez votre crainte de Dieu par le souvenir de la mort et votre confiance en Lui ; mais en joignant les deux, le degré de confiance sera proportionnel avec celui de la crainte que vous manifestez à l’égard de votre Créateur et l’optimisme qui en découle devient une preuve de crainte et source d’espoir pour vous et votre peuple.
Sachez, Monsieur Le Président que cette vie présente ainsi que tout ce qui en dérive sont voués à une fin si proche mais ne subsiste que l’ombre de vos actes et la pérennité de vos œuvres dépendra du degré de légitimité et de reconnaissance que le peuple vous aura accrédités; alors, épargnez vous de boire dans l’eau des sources troubles de l’arrogance, de la cupidité, de la violence et ne rivaliser pas de méchanceté mais plutôt de tolérance dans la fermeté.
La séparation des pouvoirs est source d’équilibre et de transparence et se doit aujourd’hui d’être une réalité concrète afin que le gouvernement, la juridiction et les assemblées représentatives puissent mériter la dignité de leurs fonctions respectives.
La sécurité de l’économie locale est plus qu’une nécessité, un préalable à toute ouverture sur les marchés extérieurs. Pour cela il faut mettre en place de nouvelles initiatives à l’échelle du territoire et redynamiser l’économie locale; ce qui permettra aux entrepreneurs de s’implanter et favoriser les échanges locaux en évitant la délocalisation et rendre notre territoire attractif créant ainsi de nouveaux emplois.
Un système éducatif performant est un avantage pour le développement d’un pays et le droit à l’éducation ne devrait être, sous aucun prétexte privé aux enfants qu’elle que soit leur classe sociale en y mettant tous les moyens nécessaires et en améliorant considérablement les conditions des enseignants.La crise de l’éducation naît de la crise de l’enseignement d’où la nécessité de réformer les méthodes en y associant les valeurs morales qui font la grandeur, la noblesse et la fierté de notre nation. L’éducation des masses est aussi une priorité à laquelle vous ne devez point vous soustraire en vous y attelant dans tous les secteurs.
La santé est, selon l’OMS » un état de complet bien être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité « et » représente l’un des droits fondamentaux de tout être humain qu’elles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale « .
En voulant par ailleurs combattre la petite corruption, vous risquez d’encourager la grande corruption au sommet de l’état et des institutions qui y sont rattachées d’où l’urgence d’un Observatoire National de Gestion, une politique efficace et efficiente pour stopper toute forme de chantage, d’intimidation et de corruption par des méthodes à la fois coercitives et dissuasives.
Naturellement! Vous avez une appartenance religieuse, ethnique, politique et même idéologique mais l’institution que vous représentez se refuse, dans son application objective, tout penchant tendant à diviser le peuple dans sa diversité « postive » spécifique au pays de la Teranga et se doit ainsi de servir d’arbitrage et de médiation pour une parfaite cohésion social et un équilibre harmonieux de la nation.
Aussi, l’avons nous tous vécu et en sommes victimes , le paternalisme culturel conduit à la précipitation dans la réalisation de projets qui détériorent la santé économique du pays mais, le principe d’une politique adéquate et réaliste se fonde sur la conscience des conditions économiques et géo- stratégiques et de surcroît, sur la détermination des dirigeants de se tourner vers l’essentiel.
Pour terminer Monsieur Le Président, je voudrai partager, en y méditant religieusement ces conseils d’un sage universellement connu pour sa cohérence et son dévouement dans les causes justes:
« Compter sur ce monde malgré ce que vous en constatez est ignorance »
Agir médiocrement au service du bien alors que la récompense est certaine est une grave perte.
Faire confiance à quiconque avant de l’éprouver est faiblesse.
La grandeur de ce monde réside en ce qu’on peut gagner les faveurs de Dieu qu’en renonçant aux bien terrestres.
Parlez et on vous connaîtra car votre personnalité est révélée par vos discours.
Le sort est inconstant: un jour il te sourit et un autre il te boude, ne te grise pas dans les jours fastes, ne perds pas patience dans les jours sombres.
L’indulgence est un voile protecteur, la raison, une épée tranchante; voile le défaut de ton caractère avec ton indulgence et réprime ta passion avec ta raison.
Redoutez la révolte du généreux affamé et celle de l’infâme rassasié.
Fréquentez les hommes de sorte qu’ils vous pleurent à votre mort et vous chérissent de votre vivant.
L’exécution est à la promesse ce que la grâce est au visage.
Et dites Cher Président :
Seigneur ! Il suffit à ma fierté que vous soyez mon Dieu et à ma gloire que je vous sois soumis. Vous êtes Tel que je veux; faites de moi ce que Vous voulez.
Merci de m’avoir lu. Bonne chance dans vos nouvelles fonctions.
Mamadou Lamine Thiam.
#AuSoirDu24Fevrier