Le bâtonnier de l’Ordre des avocats a fait, hier, devant le président de la République, une plaidoirie pour dénoncer le non-respect de certaines décisions de justice…
« L’action de l’Administration ne doit pas être arbitraire »
« L’Administration ne respecte pas souvent le caractère suspensif du délai du recours et du recours en matière d’expulsion »
« Lorsque la personne extradée ou expulsée saisit la Cour suprême, celle-ci statue dans les huit jours à compter de l’enregistre- ment de la requête, en présence de l’intéressé sauf si celui-ci, dû- ment convoqué, ne se présente pas. Cependant, il nous faut constater pour le regretter que l’Administration ne respecte pas souvent le caractère suspensif du délai du recours et du recours en matière d’expulsion. Une rectification de la pratique pour la rendre conforme à la loi doit être effectuée à ce niveau.
A titre illustratif, on peut citer le cas de Kémi Séba. Le caractère non suspensif du recours est également atténué par la possibilité offerte à un administré à qui la décision fait grief de saisir le juge pour obtenir le sursis à exécution. »
«Un ministre (Serigne Mbaye Thiam) qui a publiquement exprimé son refus d’appliquer une décision de justice »
« La décision d’annulation de l’acte administratif a une autorité absolue. Elle s’impose donc à l’Administration. L’annulation peut se suffire à elle-même et ne nécessite aucune mesure d’exécution. L’exécution de la décision peut parfois être impossible pour des raisons pratiques. Lorsque l’Administration refuse de participer à l’exécution de la décision d’annulation, le juge se trouve dans l’impossibilité de se substituer à elle ou de lui adresser des injonctions. Il n’existe pas de voie d’exécution forcée contre l’Administration, sauf qu’il est possible d’engager la responsabilité de l’Administration sur la base du refus d’exécuter une décision d’annulation.
Pour contourner les difficultés résultant de l’impossibilité pratique d’exécuter une décision d’annulation, l’Administration procède parfois à la validation législative des actes annulés.
Comment aborder ce sujet sans déplorer le fait récent qui a consisté à voir des félicitations et encouragements adressés à un ministre (Serigne Mbaye Thiam dans le cadre de l’affaire des élèves-maitres) qui a publiquement exprimé son refus d’appliquer une décision de justice. L’Assemblée nationale qui a voté une motion de soutien s’est-elle au préalable assurée que la validité législative n’était pas possible.
Enfin, si nous concédons que les intéressés devaient être extirpés du système scolaire ; mais sans qu’il soit nécessaire d’exprimer certaines positions par rapport à une décision de justice, il reste que le « deux poids deux mesures » est manifeste car à ce jour, les autorités administratives et politiques qui avaient contribué à mettre des personnes inaptes dans le système scolaire n’ont subi aucune sanction pénale, alors que les délits sont évidents. Comme si notre pays ne pouvait pas s’empêcher de donner de la matière à ceux qui réclament la suppression du lien hiérarchique entre le parquet et le Ministère de la Justice. »
« L’ère du procureur tout puissant doit être révolue »
« J’estime aussi que cette période où le procureur est investi de prérogatives exorbitantes, doit, à présent, disparaître. L’ère du procureur tout puissant, dont l’évocation du nom fait peur et qui peut placer qui il veut sous mandat de dépôt, sans avoir à en rendre compte devant quiconque, même si la personne concernée est ensuite relâchée, doit être révolue.
Rien ne doit être placé au-dessus des droits et des libertés. L’heure d’instaurer un juge des libertés et de la détention a sonné. Il faut se méfier de cette perception d’une justice inéquitable posée par l’action de l’Administration y compris de l’Administration de la Justice. Il est temps que des réformes soient apportées pour qu’il ne soit plus possible au Sénégal d’aller facilement en prison. »