De 1954 à 1968, El Hadji Fallou Mbacké a connu un long règne à la tête du mouridisme (23 ans), et fut le guide de deux générations. Celle de la période coloniale confrontée aux derniers soubresauts d’une ère finissante, et celle des premières années d’indépendance marquée par la position du visionnaire politique. Selon ses proches, El Hadji Falilou Mbacké a tout donné. Il a payé plus de six cent millions de Francs Cfa de dettes contractées par des talibés. Attendant tout de Dieu, il ne rechigne jamais à faire le geste. Il a envoyé plus de huit cent quatre-vingt-seize (896) personnes aux lieux saints de l’Islam et donné à ses talibés des centaines de voitures. Défenseur de la liberté et de la dignité de l’homme, le marabout protégeait également les animaux. Pour preuve, ses biographies retiennent des chiffres record de centaines de milliers d’oiseaux qu’il acheta aux oiseleurs ambulants, pour les libérer par la suite. Durant ses 23 ans de khalifat, il fut l’un des plus grands agriculteurs du pays et rappelait sans cesse à ses disciples que la prière devait aller de pair avec la production.
Touba connut aussi sous son Khalifa un boum urbain remarquable. Serigne Fallou réalisa un complexe hydraulique à Darou Manane, entre 1948 et 1950, avec deux pompes, un réseau de 250 m3 et un débit d’exploitation de 80 m3. Le forage de Touba, d’un débit de 3 m3, est aussi à mettre à son actif. Serigne Fallou étonnait par ailleurs dans l’efficacité de ses prières miraculeuses et son ouverture d’esprit sans réserve. Il possédait un sens de l’humour qui cachait un ascétisme digne de grands hommes de Dieu. En parachevant les projets de son père et ceux de son frère Mouhamadou Moustapha Mbacké, il avait choisi de vivre sa foi en étant utile à son prochain. Un des traits les plus marquants de cet homme de Dieu est le fait qu’il mettait tout le poids de son prestige à assister, aider et protéger indifféremment ceux qui étaient amenés à solliciter ses bons offices. Il ne faisait aucune distinction entre le Mouride, le Khadre, le Tidiane, le Layène, le Protestant ou le Catholique, pas plus qu’entre l’Asiatique, l’Européen ou l’Africain. Il recevait tout ce monde et se mettait « au niveau de son interlocuteur qu’il mettait à l’aise par sa simplicité, sa courtoisie, sa générosité et son sourire ». Il était le point commun de tous les hommes. Serigne Fallou a été, sa vie durant, le guide éclairé des musulmans du Sénégal. Travailleur, il fit de sa vie un exemple de vertu, un modèle pour les talibés à qui il prêcha la bonne parole sans jamais oublier que si l’homme ne fait que passer sur cette terre, il se devait pendant son bref séjour de servir à tout moment celui qui l’y a envoyé (Allah) la soumission (Djébelou).
Signification et portée du Kazu Rajab
Le terme Kazou est un mot composé de deux lettres : « kaaf 20 et zaay 7 ». L’expression Kazou Rajab ne signifie rien d’autre que le 27 du mois lunaire de Rajab, la nuit du 26 au 27. Cet événement eu connue lieu de départ la Mecque. Avant l’hégire, on trouve une sourate qui porte ce nom (voyage nocturne). Et puis, de très nombreux versets coraniques rehaussent cet événement. C’est ainsi que la 17ème sourate du Coran commence par « Gloire à celui qui fit voyager son Serviteur la nuit, de la sainte mosquée à la mosquée éloignée dont nous avons béni les alentours, afin de lui montrer quelques-uns de nos signes ». Dans la sourate 53, les étoiles, on trouve le récit de l’ascension vers Allah. C’est durant cette ascension que les prières rituelles avaient été ordonnées aux croyants. De 50 prières, elles furent ramenées, par la clémence divine, à 5 prières quotidiennes. El Hadji Fallou Mbacké est né la nuit de Kazou Rajab de l’an 1306, un vendredi de l’année 1886 à Darou Salam ou « cité de la paix ». Il porte aussi le nom du Prophète et fut le premier dans notre pays à promouvoir et à célébrer cette nuit stratégique dans le cours de l’histoire de l’Islam. De son vivant, chaque 26 du mois de Rajab, Serigne Fallou venait passer la nuit à Darou Salam chez Serigne Modou Mamoune Mbacké. En rentrant le lendemain 27, il passait aussi rendre visite à son frère Serigne Affé Niang. El Hadji Fallou accéda au khalifat général de la confrérie mouride en 1945. Il fut obnubilé par l’achèvement de la construction de la Mosquée de Touba, brillamment commencée par son illustre prédécesseur Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké. Cela était devenu sa seule préoccupation terrestre et dont l’autorisation pour la reprise des travaux était l’objet de blocages de toutes sortes de la part des autorités coloniales. Il attendait impatiemment, mais sereinement, la matérialisation de la prophétie de son incomparable maître, le très vénéré Serigne Touba, qui lui avait affirmé que rien ne pouvait empêcher la réalisation de la mosquée de Touba que lui, El Hadji Fallou, avait pour mission de mener à bonne fin.