Constructions d’infrastructures culturelles et sportives, financement de projets du Plan Sénégal émergent, commerce extérieur, … la Chine impose discrètement sa marque dans l’économie sénégalaise
A partir du 21 juillet, Xi Jinping, le président chinois, entamera un séjour à Dakar. Au menu de cette visite, plusieurs accords sont prévus pour renforcer des relations sino-sénégalaises déjà dynamiques. Constructions d’infrastructures culturelles et sportives, financement de projets du Plan Sénégal émergent, commerce extérieur, … la Chine impose discrètement sa marque dans l’économie sénégalaise.
En 13 ans, la Chine est devenue le deuxième partenaire commercial du Sénégal. Rompues en 1996 suite à la reconnaissance de Taïwan par le régime d’Abdou Diouf, les relations sino-sénégalaises ont été rétablies en 2005 par Abdoulaye Wade. Depuis lors, les échanges entre les deux pays se sont densifiés de façon spectaculaire au point d’atteindre un volume de 2,19 milliards de dollars soit une hausse de … 158% entre 2012 et 2017. Sur le plan commercial, l’immense marché chinois étant un débouché de rêve pour tous les producteurs du monde, mais les importations chinoises du Sénégal se sont seulement élevées à 150 millions de dollars (75 milliards FCfa) en 2017 et ont porté essentiellement sur l’arachide et des produits halieutiques. Avec une industrie digne de ce nom, ces recettes pourraient être considérablement revues à la hausse.
Même si le Plan Sénégal émergent (PSE) fut lancé en grande pompe à Paris en 2014, c’est la Chine qui serait jusque-là le plus gros contributeur à son financement. « Depuis 5 ans, la contribution de la Chine au financement du PSE s’élève à 884 milliards FCfa », a déclaré Zhang Xun, l’ambassadeur de Chine à Dakar lors d’une conférence de presse annonçant la visite officielle de Xi Jinping au Sénégal. Le diplomate chinois, tout sourire en faisant cette annonce, s’est réjoui de ce statut de premier bailleur du PSE. En détails, ce financement se traduit par des réalisations de projets structurants comme les autoroutes Thies-Touba, Aibd-Mbour, de forages multi-villages, le pont de Foundiougne… « Ce sont des projets essentiels au développement socioéconomique du Sénégal », a-t-il indiqué.
« Si nous pouvions obtenir des blocs d’hydrocarbures… »
Après le Grand Théâtre et le musée des civilisations noires dans le domaine culturel, le symbole de la présence chinoise dans l’économie sénégalaise sera probablement le Parc industriel de Diamniadio. L’entreprise textile chinoise C&H Garment Construction a investi 25 millions de dollars pour créer une filiale sénégalaise implantée dans ce parc industriel et spécialisée dans la fabrication de maillots, d’uniformes, de tenues de travail, de jeans… destinés à l’exportation en Europe et aux Etats-Unis. Une usine de fabrication de tuyaux PVC devrait également démarrer ses activités dans ce parc. « C’est une bonne idée du gouvernement sénégalais de construire un parc industriel comme en Ethiopie », estime M. Xun qui a annoncé l’ouverture de discussions entre la Chine et le Sénégal pour la construction de la 2e phase du Parc industriel.
Xi Jinping débarque à Dakar au moment où le débat sur la découverte d’hydrocarbures fait rage. Comme les autres puissances économiques du monde, la Chine, gros consommateur d’énergie en raison de son 1,4 milliard d’habitants, est aussi attentive aux potentielles découvertes de pétrole dans le monde. Mais contrairement aux compagnies occidentales, qui ont déjà investi dans l’exploration de gisements au Sénégal, l’Empire du Milieu en est à la manifestation d’intérêt. « Jusque-là nous ne sommes pas très présents dans le secteur énergétique au Sénégal. Si nous pouvions obtenir des blocs, la coopération entre les deux pays serait plus approfondie », a manifesté Zhan Xun.
Pour autant, la Chine a entamé des négociations avec le Sénégal pour partager son expertise dans le domaine des hydrocarbures. « Le gouvernement sénégalais souhaite que les grandes compagnies pétrolières chinoises s’investissent dans le secteur énergétique. La semaine dernière, une forte délégation de notre société pétrolière CNOOC a effectué une visite au Sénégal. Nous avons discuté avec les départements concernés pour participer à la formation des cadres dans le domaine de l’énergie », a renseigné M. Xun.
Pillage de la forêt en Casamance
Les relations sino-sénégalaises ne sont pas qu’idylliques. Lors de la première journée de l’environnement en 2015 à Kolda, les populations s’étaient beaucoup plaintes devant le chef de l’Etat du pillage de la forêt casamançaise par des Chinois établis en Gambie, accusés de proposer aux jeunes koldois une moto « Jakarta » en échange de quelques troncs d’arbres. Ce commerce encourageant la déforestation avait suscité une indignation collective lorsque l’ancien ministre de l’Environnement Ali Haïdar a publié dans un média français une vidéo qui l’illustrait. « Quand j’ai appris ces informations, j’ai fait des enquêtes avec mon homologue en Gambie. Depuis l’année dernière, ce phénomène a beaucoup évolué. Le gouvernement chinois s’oppose toujours fermement à ce pillage et nous avons pris des mesures pour empêcher ce trafic de bois par de petits commerçants illégaux », a réagi l’ambassadeur de Chine à Dakar interpellé sur ce phénomène.
L’expansion chinoise en Afrique ne laisse aucun pays en rade. Partout sur le continent, le géant asiatique, fort de sa puissance financière, commerciale et technique, s’investit. Pour quelle contrepartie ? Interrogé sur les retombées de ces investissements pour son pays, Zhang Xun a évoqué la volonté d’un « développement commun » et « une prospérité partagée » pour justifier l’engagement chinois en Afrique. « La stratégie de la Chine répond aussi à notre besoin économique. Dans ce contexte de mondialisation, la Chine ne peut se développer toute seule. Il faut avoir des partenaires stratégiques. Aucun pays ne peut se développer sans un partenariat avec les autres pays. L’Afrique et la Chine font face au même défi : c’est le développement. En plus, nous avons la même histoire. Pourquoi ne pouvons-nous pas alors travailler ensemble et réaliser notre objectif commun ? », a-t-il répondu.
Pour les dirigeants africains habitués aux conditionnalités des pays occidentaux liées notamment à la démocratie et aux droits de l’Homme, la Chine offre une alternative moins contraignante. « La Chine ne donne pas d’aides et accorde des prêts avec des conditions politiques. Nous respectons toujours les choix et aspirations des pays africains pendant la coopération. Le développement de la Chine n’est pas menaçant puisque nous sommes un partenaire pacifique pour l’Afrique », a indiqué M. Xun.
Maître d’œuvre de mégas projets infrastructurels dans plusieurs pays africains, la Chine fait figure de bâtisseur de l’Afrique.
